Une fois de plus, notre bénévole optométriste Azahara Sánchez nous ouvre son cœur et nous offre ses souvenirs pour nous expliquer comment c'est passé son séjour au Cameroun tout en exerçant en tant que professionnel sur le projet de santé visuelle et ophtalmologie.

Pour commencer le récit de mon expérience professionnelle la plus gratifiante au Cameroun je crois qu'il est nécessaire de le mettre en contexte. A 18 ans j'a choisi de faire, ou elle m'a choisie (j'ai toujours un doute), des études d' Optique et d'Optométrie, ce fut un véritable coup de foudre, et c'est une passion que j'ai depuis en moi et j'espère que ça sera comme ça tout au long de ma vie. Je crois que nous sommes peu ceux qui dédient la majeur partie de leur temps dans un travail qui les passionne et qui nous permets de profiter de notre profession. J'ai toujours appliqué mes connaissances dans divers emplois, certains très bons, d'autres moins mais dans tous les cas avec la pression de savoir quelle est la facture de ce mois-ci, la crise permettant de prendre certaines mesures... et des etcéteras sans fin.

Luis Miguel Ruperez

Luis Miguel Ruperez

Je suis arrivée à Bengbis un 19 août, jour où avec toute l'énergie que pouvait disposer mon corps, je me suis mise à travailler. Peu importe que ce soit 7 heures du soir et que l'on soit dans le noir, que la lumière s'en aille et que l'on doivent faire des merveilles pour continuer à travailler, ça nous est égal que lorsque l'on finit les consultations il nous reste 1000 lunettes à graduer car je suis là-bas entrain de faire ce qui me plait le plus dans la vie et pour la première fois avec la plus grande gratification jamais ressentie dans ma vie.

J'ai vu comment des personnes qui ne pouvaient pas lire, ont résolu leur problème avec une simple paire de lunettes. Mais si je devais rester avec un cas en concret, avec un visage en particulier, ce serait celui rencontré durant mes derniers jours là-bas. C'était un garçon qui avait vu l’ophtalmologue Laia lors d'une des campagnes et elle l'avait redirigé à Bengbis pour que l'on corrige sa vue. Quand je passe la porte de la consultation, je me retrouve face à un ravissant et souriant enfant albinos, mon cerveau a commencé à travailler à cent à l'heure et à sortir toute l'information dont je disposais de ma formation sur ce type de cas.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, les albinos présentent beaucoup de problèmes oculaires associés, parmi lesquels on retrouve le nystagmus et l'astigmatisme élevé. Le nystagmus est un mouvement d'oscillation involontaire qui ne permet pas de fixer la vision avec sa correspondante baisse d'acuité visuelle. Dans le meilleur des cas, il y a une position du regard que ce mouvement bloquera. Quelle fut ma surprise que le nystagmus de cet enfant se bloque en convergence car cela signifiait que si nous graduions correctement ses lunettes, il n'aurait aucun problème pour les études! Après avoir obtenue l'indice de réfraction, nous avons obtenu 4 dioptries d'astigmatisme pour les deux yeux, et bien que l'on dispose de beaucoup de lunettes, c'est une correction très difficile à trouver et inhabituelle. À ce moment précis, j'ai eu une illumination. si j'avais bonne mémoire, quelques jours auparavant j'avais gradué des lunettes avec cette correction. Je ne pouvais pas y croire!! Je suis sortie en courant pour les chercher, et non, je ne m'étais pas trompée, c'était sa correction, les lunettes étaient à sa taille et l'écart pupillaire était le bon. C'était comme s'il avait été chez l'opticien pour faire ses lunettes sur mesure.

Luis Miguel Ruperez

Luis Miguel Ruperez

Tout ce que j'explique de façon très technique, qu'est-ce que ça signifie? C'est à dire que d'une vision d'environ 30%, il est passé à 100%.. Je soufflais et me suis dit: ce garçon continuera à voir des problèmes de peau, des problèmes d'exclusion dû à sa couleur de peau (paradoxale, n'est-ce pas?, pour être blanc). Mais j'ai fait en sorte qu'il puisse étudier et qu'il n'est aucun problème à l'école.

Qui a dit qu'il ne pouvait pas avoir une nouvelle génération d'opticiens au Cameroun? Il y aura surement des personnes qui penseront que je suis une rêveuse, mais ce qui m'a été très clair là-bas c'est que les rêves mêlés d'efforts et par dessus tout de passion peuvent se réaliser.

Cuento los días para volver, allí me dejé todo mi corazón. Azahara Sánchez